
Retour sur une masterclasse-débat passionnante, organisée en novembre 2024 lors de la dernière édition de MUSEVA meetings à la CIté de l’architecture et du patrimoine : « L’événementiel éco-responsable, un rêve impossible ? » réunissant des acteurs emblématiques du secteur.
Alors que la pression environnementale s’intensifie et que les entreprises sont sommées de rendre leurs activités plus vertueuses, les lieux culturels ouverts à la privatisation n’échappent pas à cette transformation. De la restauration à l’accueil des publics, en passant par la gestion des déchets ou la mobilité, les institutions patrimoniales s’emparent des enjeux RSE pour conjuguer attractivité et durabilité.
Une privatisation qui engage
Longtemps perçue comme une simple source de revenus, la privatisation des espaces culturels prend aujourd’hui une toute autre dimension : celle d’un acte responsable. Au Palais de Tokyo, qui accueille plus de 150 événements par an, la location d’espace s’accompagne désormais d’un dialogue poussé avec les entreprises hôtes. « Nous ne donnons pas de leçons, mais nous avançons main dans la main avec nos partenaires pour faire évoluer les pratiques », souligne Mathieu Boncour, directeur de la RSE de l’institution. Résultat : des incentives sont mises en place pour orienter les entreprises vers des traiteurs responsables ou des prestataires engagés dans le réemploi.
Des leviers concrets pour des événements à faible impact
Le transport et la restauration représentent les deux principaux leviers d’action, comme le rappelle Nicolas Turpin, fondateur d’eko Events et vice-président de l’association LÉVÉNEMENT. À travers des dispositifs simples mais efficaces — comme favoriser le covoiturage ou inverser la logique des menus (proposer par défaut du végétarien) — les organisateurs peuvent drastiquement réduire leur empreinte carbone.
Même logique chez shortcut events, agence spécialisée dans les événements premium. « Il faut embarquer tout l’écosystème dans une dynamique optimiste », insiste Christophe Pinguet, son cofondateur. Grâce à des outils comme la calculatrice Impact Carbone Événement, développée par la filière, les choix sont désormais éclairés dès la phase de conception.
La norme ISO 20121 : outil structurant ou effet de mode ?
Souvent mise en avant, la certification ISO 20121 fait débat. Si certains y voient un simple label pour rassurer les clients, d’autres y trouvent un vrai levier de transformation. « Ce n’est pas une finalité, mais un cadre structurant pour penser l’ensemble de la chaîne de valeur », défend Nicolas Turpin, impliqué dans la rédaction de la norme révisée en 2024. À condition toutefois d’éviter les dérives opportunistes et d’accompagner les équipes dans leur montée en compétences.
Inciter plutôt qu’imposer : une nouvelle grammaire de la relation client
Dans les lieux patrimoniaux comme au Palais de Tokyo, la stratégie RSE repose sur une philosophie de la co-construction. Incitations financières à travailler avec des prestataires vertueux, éducation des publics, transparence sur les impacts environnementaux : tout est mis en œuvre pour faire évoluer les pratiques sans pour autant brider la créativité ni l’expérience.
Comme le souligne Mathieu Boncour, « il ne s’agit pas seulement de réduire les impacts, mais de transformer les imaginaires, de sortir de l’addiction à la production, à la fréquentation, au spectaculaire ».
De nouveaux modèles à inventer
Face aux enjeux de demain, les lieux culturels repensent leurs formats. Mutualisation, sobriété, innovation low-tech… les solutions existent, mais nécessitent un changement de paradigme. « Le rôle de nos métiers reste d’offrir des moments de joie, de rencontre, d’émotion. Mais cela peut se faire avec peu de moyens, à condition de faire différemment », conclut Mathieu Boncour.
Plus qu’une tendance, la RSE devient un critère clé dans la relation entre lieux culturels et marques. La privatisation responsable n’est plus une option : elle devient une condition pour continuer à faire événement.