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Faire communiquer lieux culturels et maisons de mode pour des défilés hors normes.

jeudi 11 juillet |
© Michael Lee

Les maisons de mode sont toujours à la recherche du lieu idéal dans lequel elles pourront montrer leur collection au public. De nombreux lieux culturels sont régulièrement plébiscités par les créateurs, en raison de leur architecture, de leur image, ou des liens qu’ils ont su entretenir au fil des années. A ce titre, l’édition 2023 de MUSEVA meetings consacre une masterclasse-débat dédiée aux liens qu’entretiennent les lieux culturels avec les défilés et les maisons de mode. 

 

Juliette Armand, directrice des événements et des visiteurs à la Réunion des Musées Nationaux – Grand Palais, Alya Nazaraly, directrice Image et communication chez Fursac et Cédric Guigues, fondateur et directeur de l’agence IN FLUENCE, ayant travaillé auparavant chez OBO, ont été invités à partager leurs expériences en prenant part à cette masterclasse-débat, modérée par Alison Chekhar, responsable du pôle particuliers et du pôle communication à l’Opéra National de Paris. 

 

Pour débuter cette masterclasse-débat, pourriez-vous, chacun, nous dire ce qu’évoque dans votre parcours “défilé et lieu culturel” ? 

Juliette Armand : J’ai beaucoup de souvenirs de défilés de mode au Grand Palais. Nous avons eu le méga-show Victoria Secret, mais surtout les défilés de la Maison Chanel qui se tiennent dans la nef depuis de nombreuses années. J’ai le souvenir de problèmes de dernière minute, une excitation et toujours un stress avant que le show commence pour que tout soit parfait. 

 

Alya Nazaraly : Même si je travaille aujourd’hui du côté des marques, j’ai commencé en travaillant dans le secteur culturel. Ce dont je me souviens, c’est la volonté lorsque l’on travaille dans un lieu de cadrer la maison de mode et limiter l’ingérence de la marque. Maintenant que je suis de l’autre côté du miroir, j’essaye de pousser le musée pour aller le plus loin possible dans la transformation et la création dans le lieu. Il y a une réelle puissance lorsque le lieu et l’artiste se rencontrent, mais cela peut être complexe. 

 

Cédric Guigues : Je me souviens d’une réelle satisfaction lorsque les deux entités adoptaient une vision commune, cela donne vraiment plus qu’un simple défilé. A l’inverse, quand le projet est mal ficelé, cela peut être vraiment difficile d’allier les ambitions artistiques et la mise en valeur du lieu. 

 

Alya Nazaraly, vous qui travaillez au plus près des créateurs, quelles sont les raisons pour lesquelles une maison va défiler dans un lieu culturel plutôt qu’un autre ? 

Alya Nazaraly : Il y a beaucoup d’éléments logistiques et artistiques dans le choix d’un lieu, on dit souvent qu’il agit comme le cadre que l’on choisit pour une œuvre. Il faut un effet “wow” lors du show, et un message particulier. L’enjeu est de créer un souvenir, notamment dans des lieux peu connus du public, par exemple le public étranger. 

 

Juliette Armand, selon vous, dans quelles mesures les conditions géographiques peuvent-elles influer dans les relations avec les maisons de couture ? 

Juliette Armand : Évidemment, les conditions géographiques sont indispensables : le Grand Palais a par exemple la chance d’être dans un quartier prestigieux et central, ce qui est un réel atout qui lui permet d’accueillir une vingtaine de défilés par an. Ce n’est toutefois pas qu’une question de localisation, mais aussi de formats de salles : la présence de différentes typologies de salles permet d’accueillir des maisons de tailles très différentes. 

 

Quelles sont vos recommandations indispensables lorsque vous accueillez un défilé ?

Juliette Armand : Le grand palais est déjà un lieu d’accueil et un lieu événementiel, donc nous avons l’habitude. La particularité du défilé, c’est surtout la pression que vous avez sur à peine quelques minutes où tout doit être absolument parfait, sauf que dans un monument historique, il peut y avoir des imprévus. Par exemple, les problèmes liés à la surconsommation d’électricité qui peuvent perturber le show. On a tendance à ne voir que le défilé, or un défilé ce sont aussi des backstages, ce qui nécessite d’avoir des espaces pour loger toutes ces équipes et le matériel. Enfin, pour que l’accès soit facilité, privatiser le maximum d’espaces permet que tout soit à l’heure et ne perturbe pas le calendrier établi par la Fédération Française de la Haute Couture et de la Mode. 

 

Cédric Guigues, comment vous arrangez-vous avec ces contraintes en tant que producteur ? 

Cédric Guigues : Les maisons ont tendance à tout voir matériellement, mais le budget ne peut pas résoudre toutes les situations. Souvent, les marques aiment trouver la pépite, le lieu unique, mais lorsqu’il s’agit d’un lieu qui n’a jamais accueilli, il faut du temps et de la communication pour que tout fonctionne bien. La vie interne d’un musée peut être complexe, et il y aussi une question de budget lorsque l’on s’installe dans un lieu et qu’on perturbe sa vie culturelle, qui reste la mission première du musée. 

Défilé de mode

Juliette Armand, quelle est la première chose que vous évoquez avec une maison lorsqu’elle prend contact avec vous ? 

Juliette Armand : Évidemment, le calendrier en premier : quel espace veut-elle, et quand ? Il y a ensuite une question économique, et enfin de logistique et d’organisation. Au Grand Palais, la vie culturelle n’est pas continue, ce qui limite les difficultés. 

 

Alya Nazaraly, la contrainte budgétaire lorsqu’on installe son défilé dans un lieu culturel est réelle. Comment les différents acteurs peuvent-ils collaborer pour que ce soit un enrichissement artistique et commercial des deux côtés ? 

Alya Nazaraly : Quand on choisit un lieu culturel, le budget fait que l’on est obligés de faire l’impasse sur d’autres choses. En créant des contenus additionnels comme des posts ou des shootings et créant un vrai partenariat, chacun finit par y trouver son compte. 

 

Cédric Guigues, qu’est ce qui pour toi est indispensable quand tu arrives dans un lieu ?

Cédric Guigues : D’un point de vue humain, il faut directement cerner les rapports entre les équipes. Sinon, les accès et la présence d’espaces de backstages sont ce que je vais regarder en premier. 



Qu’est ce qui est indispensable pour se faire un nom en tant qu’établissement culturel recevant des défilés ? Comment être recensé par les principales agences ? 

Cédric Guigues : Il y a des chasseurs de lieux, qui prennent en compte les jolies façades, les volumes intéressants et qui se focalisent sur les espaces centraux, à Paris par exemple. Si on est un lieu culturel et qu’on souhaite accueillir des défilés, il faut absolument suivre le calendrier des Fashion Week et le faire correspondre avec la programmation culturelle. Enfin, puisque accueillir un défilé peut être compliqué, il vaut mieux privilégier un gros défilé, qui occupera les espaces plusieurs jours plutôt que plusieurs défilés qui se suivent et qui peuvent se gêner les uns les autres. 

 

Juliette Armand, comment vous êtes-vous adaptés au Grand Palais Ephémère pendant la période de fermeture du Grand Palais ?

Juliette Armand : Le Grand Palais Ephémère a été construit pour assurer la continuité des événements qui se tiennent normalement dans la nef pendant les travaux au Grand Palais. Nous avons pu y organiser des foires d’art contemporain, le Saut Hermès, des grands défilés comme celui de Chanel. C’est un espace qui reste plus petit et où nous n’avons pas d’espaces modulables, ce qui a provoqué une nouvelle  répartition des défilés en région parisienne. 

 

[Question du public], Comment une institution peut-elle faire pour s’adapter à la maison de mode et mieux collaborer avec elle ? 

Cédric Guigues : Il s’agit selon moi principalement de créer un dialogue. On choisit un lieu pour raconter une histoire, lui donner de la visibilité, peut-être même à un nouveau public.On peut mélanger les équipes, faire découvrir aux uns et aux autres le travail de la maison de mode et du lieu culturel, pour que tout le monde en bénéficie. 

 

Juliette Armand : Pour illustrer cette collaboration, le lien créé entre Chanel et le Grand Palais a conduit Chanel à devenir mécène de nos travaux. 

 

[Question du public], En tant que plus petite institution, quels sont vos conseils pour faire venir les défilés jusqu’à nos lieux ? 

Cédric Guigues : Il y a des événements, comme MUSEVA meetings actuellement. Vous pouvez aussi vous rapprocher de sociétés de production comme la Villa Eugénie, la Mode en Image ou OBO, mais aussi les agences chercheuses de lieux. Il ne faut pas oublier qu’il n’y a pas que les défilés, il y aussi les showroom qui peuvent être très importants puisqu’ils nécessitent d’occuper l’espace longtemps. Pour un lieu un peu excentré, cela peut être plus difficile. Les maisons doivent se plier au calendrier publié par la Fédération de la Haute Couture et de la Mode et ne peuvent pas risquer de mettre tout leur public en retard. En misant sur l’image que renvoie le musée, notamment par sa programmation, et en invitant sur place des créateurs, on a plus de chance de voir aboutir une collaboration.