RETOUR

Culture et événementiel : comment les JO ont changé la donne pour les lieux privatisables

mardi 24 juin |
Photographie réaliste d’un espace culturel réhabilité après les JO 2024 : fresques modernes, souvenirs olympiques intégrés au décor, accueil d’un cocktail ou d’une conférence, architecture patrimoniale magnifiée.

Retour sur une masterclasse-débat passionnante, organisée en novembre 2024 lors de la dernière édition de MUSEVA meetings : « JO et culture : quel Pari(s) pour l’avenir ? » réunissant des acteurs emblématiques du secteur.

Un tournant stratégique pour les lieux culturels

Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 n’ont pas seulement mobilisé les infrastructures sportives. Ils ont aussi profondément transformé la place des lieux culturels dans la fabrique événementielle française. Château de Versailles, Grand Palais, Petit Palais, musées de la Ville de Paris : tous ont été mobilisés pour accueillir, programmer, collaborer. Au-delà de l’exposition médiatique exceptionnelle, l’impact se mesure désormais en ressources propres, en mécénats renforcés et en nouvelles perspectives de privatisation.

Comme l’a résumé Louis-Samuel Berger, administrateur général adjoint du Château de Versailles : « Les JO ont été la rencontre entre un événement planétaire et le génie esthétique de Versailles. Cette convergence entre sport et culture a ouvert la voie à des formats d’accueil hybrides, à grande échelle. »

Du prestige à la professionnalisation

Pour les institutions culturelles, l’accueil des JO a agi comme un crash test logistique… et une vitrine de leur savoir-faire. Au Grand Palais, les travaux de rénovation ont été repensés pour permettre la réouverture partielle du site à temps. Résultat : la Nef du Grand Palais a accueilli jusqu’à 9 000 personnes dans des conditions totalement renouvelées. « Les JO ont été notre événement de redémarrage, et ont permis de tester à grande échelle nos nouveaux dispositifs techniques, mais aussi nos capacités d’accueil », a souligné Juliette Armand, directrice des événements et des visiteurs Grand Palais (sept. 2016 – févr. 2025).

Cette montée en puissance a aussi renforcé la professionnalisation des équipes, habituées désormais à travailler avec des standards événementiels exigeants, notamment ceux du CIO. En matière de privatisation, cette expérience a rehaussé les niveaux de service, d’adaptabilité et d’exigence des lieux culturels.

Une dynamique partenariale accélérée

La période olympique a également été l’occasion d’élargir le spectre des collaborations public-privé. Paris Musées a par exemple accueilli le groupe BPCE comme partenaire au Petit Palais, avec un partenariat alliant privatisation, accueil d’athlètes et mécénat structurant. Le résultat ? Une campagne de trois ans autour de la conservation du patrimoine et la rénovation du péristyle, financée en partie grâce aux fonds mobilisés pour les JO.

« Ce partenariat dépasse le temps des Jeux. Il s’est construit en amont, dans une logique de projet, et nous a permis d’aligner nos enjeux culturels avec ceux d’un grand groupe engagé », a expliqué Agnès Benayer, directrice du développement des publics et des partenariats à Paris Musées.

Un effet d’image au service des privatisations futures

Si certains lieux ont observé une baisse de fréquentation ponctuelle pendant l’été, tous s’accordent sur un point : les retombées médiatiques sont considérables. À Versailles, on parle de 121 millions d’euros d’équivalent publicitaire en retombées presse depuis trois ans. Paris Musées a vu certaines de ses vidéos sur les réseaux sociaux, mêlant art et sport, dépasser les 30 millions de vues.

Pour les lieux patrimoniaux ouverts à la privatisation, cette visibilité constitue un levier d’attractivité sans précédent. « Le travail commence maintenant. Il faut capitaliser sur ce capital d’image, cette familiarisation nouvelle avec nos lieux », résume Juliette Armand. Une dynamique qui pourrait démultiplier les demandes de privatisation d’espaces, qu’elles soient corporate, institutionnelles ou culturelles.

Une hybridation pérenne des usages

Au-delà de l’effet ponctuel, les JO ont révélé la capacité des lieux culturels à conjuguer plusieurs fonctions : exposition, médiation, hospitalité, événementiel. L’été 2024 a vu émerger des formats inédits, du « Petit Palais du sport » aux cours de boxe dans les musées, en passant par des parcours croisés art et mouvement. Cette hybridation pourrait bien devenir structurelle.

Versailles envisage déjà de renforcer ses horaires d’ouverture, de multiplier les nocturnes et d’étendre ses spectacles de plein air. Paris Musées développe des offres adaptées aux courts séjours touristiques, incluant des pass temporaires inspirés des dispositifs mis en place pendant les Jeux.

Une nouvelle ère pour les ressources propres

En filigrane, les JO ont révélé une vérité économique fondamentale : les lieux culturels ne peuvent plus ignorer leur potentiel événementiel. S’ils veulent diversifier leurs ressources, renforcer leur ancrage territorial et assumer leur rôle dans l’attractivité de la destination France, la privatisation devient un levier stratégique.

Grâce à l’expérience JO, ces institutions ont gagné en compétence, en confiance et en visibilité. Le moment est venu d’en faire un actif durable.